Yoga et Action : pratiquer ou non le Yoga quand c’est le chaos ?

Comment faire une pratique de Yoga quand c’est la chaos, comment allier Yoga et Action ? La guerre immonde qui se passe en Ukraine en ce mois de mars 2022 me pose la question du sens d’une pratique de Yoga en temps de guerre, en temps de chaos.

Si le yoga est une démarche spirituelle par laquelle on se relie notamment au Soi, c’est aussi bien souvent l’endroit où nous lâchons prise, où on se libère par intermittence de la tyrannie du moi et où les postures nous font du bien en délivrant leurs bénéfices énergétiques.

Or, en ce mois de mars 2022, il ne m’était pas possible de délivrer un cours de Yoga comme si rien n’était, comme si rien n’avait changé. Je me posais la question, de donner ou non mon cours. Il me semblait même absurde de délivrer (ou d’être au service) du bien-être quand, au même moment, des innocents sont tués.

Yoga et Action : La Baghavad Gita ou comment agir quand c’est le chaos

Un parallèle stupéfiant

J’ai pensé relire Patanjali et puis c’est vers la Baghavad Gita que j’ai tourné mon regard. Ce texte n’avait jamais été aussi lumineux, tangible. Un manuel pratique qui répondait directement à ma question :

En temps de chaos, peut-on continuer à pratiquer ou faut-il renoncer tant cela est absurde ?

Ou comment faire une pratique de Yoga en restant connecté au monde et à ce qui s’y passe ?

Dans la Baghavad Gita, a lieu un guerre fratricide pour le pouvoir entre 2 clans d’une même famille. Les Pandava qui représentent l’ordre, le DHARMA, la lumière (détenteurs légitimes au pouvoir) et les Kaurava qui représentent le chaos, l’obscurité (cherchant le pouvoir en commentant toutes les horreurs possibles). Une même famille avec 2 armées inégales. Le camps des Pandava, les lumineux choisit l’aide de Krishna (qualité), l’autre camp choisit le nombre, la force (quantité). Comment ne pas voir un parallèle avec la guerre qui sévit en Ukraine ?

Il ne faut pas renoncer à agir mais agir en se détachant des résultats

Dans l’armée des lumineux, se trouve Arjuna, vaillant guerrier et meneur des Pandava. Or, il défaille, devant ce chaos et l’horreur d’avoir à tuer des membres de sa famille, il doute et veut renoncer à l’action. Commence alors au milieu d’un champ de bataille un dialogue entre lui et son cocher qui n’est autre que Krishna (avatar de Vishnu).

Ce que Krishna enseigne à Arjuna, c’est que renoncer ce n’est pas fuir dans la forêt, mais renoncer aux fruits des actes. Agir sans l’emprise du désir et du moi. Agir de façon désintéressée.

Colette POGGI en livre un éclairage magnifique :

“Agir physiquement, verbalement, non à partir du moi étroit et exclusif, mais du Soi… mener toute action … avec un coeur détaché, sans désir personnel… Agir comme si on était porté par une autre force que la minuscule individualité.”

“Pour bien agir, il faut, en premier lieu, “voir” à la juste distance, sans motif égocentrique, en ne considérant pas le seul profit individuel. L’agir juste consiste à agir en accord avec le dharma, c’est à dire en tenant compte, de manière altruiste, du bien des autres, de la participation de tous à l’orde cosmique et dans cette réalité aux dimensions élargies règle la loi de l’interdépendance”

“Se dépouiller de tout interêt égoïste. Agir mu par un élan altruiste, un enthousiasme ordonné à une cause plus grande que son interêt propre.”

Colette POGGI dans La Baghavad Gita ou l’art d’agir”

En effet, l’horreur que ressent Ajurna à l’idée de combattre ses cousins reste du côté d’individuel, de l’ego, se battre pour un bien plus grand que soi : le Dharma, en renonçant au fruits de ses actes voilà la voie juste. Arjuna doit agir pour préserver le Dharma.

Krishna ou “l’avatar urgentiste”

Rappelons que Krishna, qui est ici le guide d’Arjuna, est un avatar de Vishnu. Vishnu étant dans l’hindouisme un aspect de la conscience divine et le dieu de la conservation. Dans la trinité hindoue, rappelons que Brhama crée, Shiva détruit, Vishnou maintient et protège.

Krishna, c’est selon les termes de Colette Poggi “l’avatar urgentiste” qui intervient pour protéger l’ordre cosmique (les humains, la terre). En effet, Vishnou s’incarne dès que grandissent la confusion est l’inversion des valeurs, dès que le chaos émerge. Il s’est incarné notamment en poisson Matsya, tortue Kourma, homme lion, rama, Krishna et bouddha selon certains. Notons aussi que le véhicule de Vishnou est un aigle : Garuda.

Concevoir une pratique qui célèbre Vishnu et ses avatars

Yoga et Action - Feme en posture de l'aigle GARUDASANA.
Photo de Miriam Alonso provenant de Pexels

Forte de ces éclairages, ma manière de concilier Yoga et action et donc ma manière d’agir en tant que professeur de yoga a été de concevoir une pratique qui célèbre Vishnu et ses avatars.

Pratiquer avec en fil conducteur cette intention d’être au service de la justice cosmique, de quelque chose qui nous dépasse, de se mettre “au service de”.

Et donner corps à cette intention à travers les postures que Vishnou a pu incarner : Poisson, Tortue. Mais aussi se mettre “au service de” et agir en préparant sa monture : l’aigle Garuda, le déverrouiller pour qu’il soit prêt à agir pour le dharma.

Yoga et Action au service de ce qui me dépasse

Notre Bhavana pour cette pratique fur de : Se laisser traverser par la posture au bénéfice de quelque chose qui me dépasse

Pratiquer non pas pour mon interêt personnel mais pour un interêt plus grand que moi, par un élan altruiste ordonnée à une cause plus grande : célébrer les forces qui maintiennent le monde, l’harmonie cosmique. Célébrer Vishnu et se mettre à son service en préparant et célébrant son véhicule : Garuda.

Ci-dessous le croquis de cette pratique

Merci à Jean-Yves Deffobis pour m’avoir fait découvrir et pratiquer cette méditation lors de son cours sur la Bhagavad Gita dans le cadre de ma formation de professeur.


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